Le combat juridique du SAGES contre les discriminations instituées par le RIPEC

 

Le combat juridique, nous l’avons d’abord mené en demandant à l’administration de bien vouloir modifier le RIPEC afin d’intégrer parmi ses bénéficiaires les PRAG, les PRCE et leurs équivalents statutaires et contractuels. Tant que Madame Vidal était notre ministre, cette demande ne pouvait pas avoir d’issue favorable. Nous avons alors attendu l’arrivée d’une nouvelle ministre de l’ESR qui ne soit pas aussi mal disposée à notre égard pour la convaincre de mettre fin à ces discriminations, ou intenter des actions en justice si nous n’y parvenions pas. Car il faut au moins un an pour que ces actions en justice aboutissent à des décisions. Et nous préférons toujours nous employer à convaincre, et n’intenter des recours ou réclamations que si nous n’y sommes pas parvenus.

Après une audience au MESR le 13 juillet 2022 qui semblait pouvoir satisfaire nos demandes relatives à l’extension du RIPEC , il nous est apparu le 13 septembre 2022 que ça n’allait finalement pas être le cas. Il nous a donc fallu intenter plusieurs actions en justice :

- au plan national, devant le Conseil d’État, en demandant à l’administration de modifier les textes relatifs au RIPEC pour y intégrer les PRAG, les PRCE et leurs équivalents statutaires et contractuels, et en attaquant ensuite le refus de l’administration de modifier le RIPEC. Cette demande et l’attente du refus explicite ou implicite de l’administration sont des préalables nécessaires pour que l’action en justice soit recevable, pour que le Conseil d’État l’examine au fond. Il s’agit d’un recours tendant à l’annulation d’un refus dont l’issue, si elle est positive, conduit l’administration à modifier ses textes réglementaires en y retirant ce qui a provoqué l’annulation demandée

- une réclamation adressée à l’OIT (Organisation Internationale du Travail) pour méconnaissance de sa Convention n°111 concernant la discrimination (emploi et profession)1


La difficulté de ces recours et réclamation consiste à articuler, afin qu’ils se conjuguent, le droit national et le droit international ou européen car :

- au plan national, on peut n’invoquer que la méconnaissance du principe d’égalité de traitement, mais elle est très difficile à faire reconnaître quand elle concerne des agents publics qui n’appartiennent pas à un même corps ; il faut donc invoquer aussi du droit européen ou international, notamment pour conduire le Conseil d’État à fonder ses comparaisons sur des critères objectifs au lieu de privilégier l’appartenance à un corps déterminé

- dans la Convention n°111 de l’OIT, il y a une série de discriminations explicitement interdites2, qui ne sont pas en cause dans le RIPEC, et d’autres inégalités de traitement considérées comme discriminatoires à condition de prouver qu’elles consistent en une « autre distinction, exclusion ou préférence ayant pour effet de détruire ou d'altérer l'égalité de chances ou de traitement en matière d'emploi ou de profession » considérée selon le droit national comme ayant « pour effet de détruire ou d'altérer l'égalité de chances ou de traitement en matière d'emploi ou de profession ».


Dans le premier cas, il s’agit donc de convaincre le juge national que les exigences du droit européen ou international combinées avec celles du droit national conduisent à considérer que le RIPEC constitue un traitement discriminatoire. Ce qui nécessite une traduction au plan national des exigences du droit européen ou international, pour des juges qui voient le doit international à travers leur droit national et avec leurs propres critères jurisprudentiels.


Dans le second cas, il s’agit de convaincre l’OIT que l’État français a bien ajouté de son propre chef une cause de discrimination rendant applicable sa Convention n°111 à l’examen de l’affaire. Ce qui nécessite une traduction au plan international des exigences du droit national, pour des juges qui voient le doit national à travers le droit international qu’ils sont chargés de mettre en œuvre, et avec leurs propres critères jurisprudentiels (qui sont plutôt de type anglo saxon).


Une discrimination, en droit, est une inégalité de traitement entre groupes de personnes placées dans des situations comparables, qui soit n’a pas de but légitime, soit ne repose pas sur des motifs objectifs et raisonnables, soit présente un caractère disproportionné. Établir l’existence des discriminations que nous dénonçons concernant le RIPEC exige donc :

- d’établir le caractère comparable des situations en cause (enseignants-chercheurs, seuls bénéficiaires du RIPEC d’un côté, autres enseignants du supérieur de l’autre côté, fonctionnaires ou contractuels, exclus du bénéfice du RIPEC). Le SAGES a déjà établi, par un travail très approfondi, le caractère comparable des situations en cause, dans sa réclamation adressée au CEDS (Comite Européen des Droits Sociaux)3. Ce travail délicat et volumineux est donc fait depuis le mois d’avril 2022

- soit d’établir le but non légitime de l’exclusion des PRAG, des PRCE et de leurs équivalents statutaires ou contractuels du RIPEC. Nous nous y sommes employés dans nos recours et dans notre réclamation adressée à l’OIT

- soit de prouver que les motifs qui fondent les différences de traitement en cause ne sont pas objectifs ou ne sont pas raisonnables ; nous nous y sommes employés dans nos recours et dans notre réclamation adressée à l’OIT

- soit de prouver que si le but peut être considéré comme légitime (valoriser la fonction d’enseignant-chercheur en raison d’une politique nationale défendable) et se fonder sur des motifs objectifs et non dénués de tout caractère raisonnable, il n’en demeure pas moins qu’il était disproportionné d’écarter totalement les PRAG, les PRCE et leurs équivalents statutaires ou contractuels du bénéfice RIPEC. Nous nous y sommes employés dans nos recours et dans notre réclamation adressée à l’OIT


Notre réclamation adressée au CEDS, dont le texte intégral est librement téléchargeable4 donne une idée de la technicité juridique requise pour ce genre d’actions en justice. Pour la liberté académique, nous avons été les premiers et encore les seuls pour le moment à intenter ce type d’action au niveau européen (devant le CEDS, cf. ci-dessus). Pour le RIPEC et l’OIT, les difficultés juridiques sont différentes, mais ça demande encore des juristes aguerris. Nous nous sommes investis dès la création du SAGES en 1996 dans le développement en interne d’une compétence juridique pointue. Nous ne faisons appel à des avocats que lorsque la loi nous oblige à y avoir recours même quand nous n’en avons pas besoin techniquement. Nous avons ainsi sans avocat fait abroger par le Conseil Constitutionnel l’oligopole syndical que les gros syndicats et l’administration avaient convenu pour provoquer la disparition des petits syndicats comme le nôtre (cf. https://www.conseil-constitutionnel.fr/sites/default/files/as/root/bank_mm/decisions/2020860qpc/2020860qpc_ccc.pdf )


2 En fonction de la race, de la couleur, du sexe, de la religion, de l'opinion politique, de l'ascendance nationale ou de l'origine sociale.

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