Réforme de la formation des enseignants : le MEN ne recrutera plus que des élèves fonctionnaires de l'enseignement et non pas des professeurs stagiaires
Les propos (1) du président de la République sur la réforme de la formation initiale des enseignants tenus le 5 avril 2024 lors de sa visite d'une école à Paris confirment les grandes lignes déjà dressées depuis le mois novembre 2023 par le MEN. Le concours de recrutement change de nature lourde de signification pour les lauréats. Les CAPES, CAPEPS, CAPET et CAPLP conféraient à leurs lauréats le statut de professeur stagiaire, le nouveau concours ne permet que l'accès à l'ENSP avec seulement le titre d' « élève fonctionnaire » en première année pour y préparer un master « maison » (2). L'installation dans le métier d'enseignant passe donc au second plan devant l'insertion dans la hiérarchie de la fonction publique de droit commun, pour ne pas dire sa caporalisation. La première année de formation, rémunérée finalement à 900 euros au lieu des 1400 euros initialement prévus (3), ne comporte qu'un tiers du temps en établissement scolaire. La formation disciplinaire sera réduite à la portion congrue et fera place à toutes les activités annexes qui sont venues polluer le coeur du métier qui est de dispenser les connaissances et les méthodes d'un champ disciplinaire donné. Ces deux années de formation vont ouvrir davantage le champ aux « sciences de l'éducation » qui sont les grandes gagnantes de cette réforme anti copernicienne où les vieilles lunes pédagogistes gravitent toujours autour de l'Elève, centre du Système scolaire. Les élèves fonctionnaires puis apprentis professeurs devront donc supporter deux années au lieu d'une actuellement les « activités » les plus futiles et inutiles à l'exercice du métier ainsi que les dernières pédagogies à la mode que dénoncent les stagiaires depuis plus de 30 ans et la création des IUFM. Les sciences de l'éducation envahissent même le cycle de licence avec la proposition de « modules de pédagogie » à l'attention des étudiants candidats aux ENSP.
Loin de constituer un bouleversement redouté par le réseau des INSPE (4), cette réforme consacre au contraire son renforcement, au simple prix d'un n-ième changement de nom dont ces structures ont l'habitude, et invalident déjà les propos du Président qui assurait le 5 avril qu'il s'agissait d'un « nouveau paradigme, d'une nouvelle gouvernance, de nouveaux formateurs, de nouvelles méthodes ». Il est impossible de croire que cette promesse présidentielle de changement radical pourra se faire en aussi peu de temps (d'ici la rentrée 2024 !) avec d'autres personnels que ceux déjà en place dans les futurs ex INSPE et les inévitables « spécialistes » en « sciences de l'éducation » des universités qui pontifient depuis plus de trente ans dans les avatars successifs des anciens IUFM.
Il reste des questions en suspens dans cette réforme. Les titulaires d'un diplôme au-delà de la licence et candidats à l'enseignement sur le tard devront ils subir eux aussi les 2 années de formations dans les futurs ENSP? Ou seulement la deuxième année ? Les agrégés stagiaires devront-ils rejoindre les ENSP pour leur formation où se fera-t-elle en dehors ? En revanche, les futurs candidats aux ENSP doivent déjà savoir qu'ils devront signer un engagement à servir l'Etat un certain nombre d'années, non encore défini pour le moment, à leur entrée dans ces écoles, sous peine de devoir rembourser les rémunérations perçues pendant leur formation. Les générations actuelles étant globalement réticentes à s'engager sur la durée avec leurs employeurs et très sensibles à la qualité de leur conditions de travail, seront-elles séduites par la perspective de constituer un public captif si ce métier ne leur convient décidément pas au final ?
(1) https://www.aefinfo.fr/depeche/710269
Voir également notre communiqué du 21/11/2023 sur nos impératifs d'une véritable formation des professeurs du second degré
https://le-sages.org/documents/Communique_reforme_formation_enseignants_21nov2023.pdf
(2) Les sigles de ces concours ne figurent pas dans le diaporama du gouvernement présentant cette réforme https://le-sages.org/documents/MEN_ecoles_normales_XXIsiecle.pdf en page 8
(3) Les apprentis professeurs ne sont pas encore entrés dans les futures ENSP que déjà ils subissent une première dévalorisation de leur rémunération. Quel cadeau de bienvenue !
(4) https://www.reseau-inspe.fr/communique-du-reseau-des-inspe-paris-le-29-mars-2024/
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