Les causes profondes de la discrimination instituée par le RIPEC

 Pour comprendre ce qu’il faut faire pour mettre fin à la discrimination instituée par le RIPEC (voir notre article sur ce sujet), il faut d’abord comprendre ce qui y a conduit. Passer des symptômes au diagnostic, puis aux causes profondes, pour y remédier.

Si cette discrimination a été ressentie de manière aussi soudaine et particulièrement brutale par l’immense majorité des PRAG et des PRCE au printemps 2022, c’est qu’elle leur est apparue, à tort, comme inattendue et parce que l’importance de signes avant-coureurs n’avait pas été perçue par l’immense majorité des PRAG et des PRCE. Et je ne parle pas ici, comme signe avant-coureur, de la loi LPR, dont nous démontrons, dans un autre article1, qu’elle n’implique nullement, bien au contraire, que les PRAG, les PRCE et les enseignants contractuels du supérieur soient exclus d’une réelle revalorisation de leurs primes et indemnités.

Le RIPEC a un aspect matériel (PRAG, PRCE et enseignants contractuels du supérieur ne bénéficient pas financièrement des revalorisations qu’il a instituées) et un aspect symbolique (le mépris ressenti). Mais cet aspect symbolique attaché au RIPEC est en vérité sa cause, pas son effet, car il est bien plus ancien et y a conduit.

Le mépris des contractuels est très ancien. Celui des PRAG et des PRCE a été plus progressif. Il se manifeste par l’appellation « second degré » que l’administration a un jour introduite à leur sujet, puis généralisée et consolidée en 1993 dans le décret n°93-4612 relatif aux « obligations de service des personnels enseignants du second degré affectés dans les établissements d'enseignement supérieur ». Professeurs agrégés et certifiés conserveraient donc leur qualité d’enseignants « du second degré » même affectés dans l’enseignement supérieur, pas seulement à titre de provenance, mais par nature. Or en vérité, ainsi que le SAGES a démontré aux paragraphes 41 et précédents et aux paragraphes 45 et précédents de sa réclamation n°211/2022 adressée au CEDS3, PRAG et PRCE et enseignants contractuels sont en fait et selon la partie législative du Code de l’éducation, des « personnels de l’enseignement supérieur ». C’est la raison pour laquelle l’acronyme SAGES, depuis sa naissance en 1996, signifie Syndicats des AGrégés de l’Enseignement Supérieur, et non Syndicat des agrégés dans l’Enseignement Supérieur ; il n’a jamais changé, même si le SAGES s’est depuis ouvert aux PRCE, car ils exercent dans le supérieur des missions et fonctions identiques ou comparables, en droit comme en fait.

Cette appellation « second degré » est donc un double mépris, d’une part de la loi et d’autre part des PRAG et PRCE !

Le mépris et la discrimination par l’administration de cette minorité que constitue les PRAG et les PRCE, a pour corollaire, comme instrument, comme toute discrimination, l’omission et l’invisibilisation.

Ainsi :

- le décret n°93-4614 relatif aux obligations de service des PRAG et des PRCE n’en précise pas la nature, ni expressément, ni par renvoi aux dispositions législatives relatives aux missions de l’enseignement supérieur (comme c’est le cas pour le décret 93-4315 qui précise celles des enseignants-chercheurs) ; comme s’ils dispensaient un enseignement du second degré dans le supérieur, ce qui n’est pas le cas évidemment !

- le décret n°2000- 5526 du 16 juin 2000 qui régit la possibilité pour les PRAG ou les PRCE doctorants ou docteurs de bénéficier d’une décharge pour activité de recherche, ne comporte même pas les mots « recherche », « doctorat », « docteur » ou « doctorant » dans son intitulé (« aménagements de service accordés à certains personnels enseignant dans les établissements d'enseignement supérieur relevant du ministre chargé de l'enseignement supérieur ») !

Cette appellation « second degré » est le tronc de l’arbre des discriminations dont nous sommes victimes, et de ce tronc ne pouvaient émerger que d’autres branches discriminatoires à l’encontre des PRAG et des PRCE de la part de l’administration :

- la volonté, en 1995, de pouvoir nous imposer 576 heures de travaux pratiques par an en comptant une heure de TP comme deux tiers d’heure de TD dans notre service statutaire ; c’est ce qui a provoqué la naissance du SAGES en janvier 1996, laquelle a permis d’éviter cette réforme

- l’institution d’une notation sur 100 sur proposition du seul chef d’établissement, pas nécessairement spécialiste de la même discipline, donc de type purement administratif, alors qu’à l’époque la notation des professeurs des lycées et collèges était à 60 % composée de la note pédagogique des pairs de la discipline qu’étaient les inspecteurs, et à 40 % seulement par la note administrative donnée par leur chef d’établissement

- une limite d’un an à l’octroi d’une demie décharge de service aux PRAG et aux PRCE déjà docteurs pour prolonger une activité de recherche, et ceci alors que le gouvernement dit vouloir promouvoir le doctorat !

- un acte de nomination dans le supérieur dont le seul auteur est le ministre de l’éducation nationale pour les PRAG, le recteur pour les PRCE, pas le ministre de l’enseignement supérieur ; ce dont il résulte que le ministre de l’éducation nationale peut muter un PRAG (un recteur pour un PRCE) dans le second degré dans l’intérêt du service, sans avoir à motiver son acte, même s’il s’agit d’une sanction déguisée. Le Conseil d’État a par ailleurs admis, par une jurisprudence récente, qui a donné lieu à notre réclamation au CEDS7, que le ministre (pour les PRAG) ou le recteur (pour les PRCE) pouvait soustraire PRAG et PRCE aux juridictions disciplinaires universitaires de pairs, alors qu’elles ont été instituées pour protéger l’indépendance et la liberté d’expression dans l’exercice des fonctions dont jouissent non seulement des enseignants-chercheurs, mais aussi les « autres enseignants », notamment les PRAG et les PRCE ( articles L 952-28 et L 123-99 du Code de l’éducation)

- dernièrement l’invisibilisation des PRAG et des PRCE dans le décret RIPEC publié au Journal officiel, la discrimination qu’elle constitue étant énoncée en toutes les lettres de manière moins visible dans le seul bulletin officiel du MESR n°10 du 10 mars 2022(« lignes directrices de gestion » 10 du RIPEC)

Pour mettre fin à la différence de traitement instituée par le RIPEC, il faut donc :

- établir qu’il s’agit bien, juridiquement, d’une discrimination, c’est-à-dire d’une différence de traitement opérée entre enseignants placés dans des situations comparables en fait et en droit (entre PRAG, PRCE et enseignants contractuels d’un côté et des maîtres de conférence de l’autre côté, en tant qu’enseignants en licence ; car le RIPEC n’exige pas qu’on enseigne au-delà). Le SAGES a déjà démontré le caractère comparable de ces situations au B de sa réclamation au CEDS11

- établir que cette différence de traitement ne répond pas à un but légitime, ne repose sur aucun caractère objectif ni raisonnable, et est disproportionnée. Le SAGES l’a déjà démontré pour ce qui concerne le régime disciplinaire des PRAG, des PRCE et des enseignants contractuels au C de sa réclamation au CEDS12 ; c’est encore plus aisé à démontrer pour ce qui concerne les primes et indemnités fonctionnelles concernées par le RIPEC

- faire reconnaître ce caractère discriminatoire au gouvernement et le conduire à intégrer les PRAG, les PRCE et les enseignants contractuels au RIPEC ; soit par persuasion (courriers, audiences), mais c’est jusqu’ici un échec, puisque non seulement le gouvernement a jusqu’ici maintenu cette discrimination, mais en plus il s’emploie à tromper les PRAG, les PRCE et les enseignants contractuels en voulant leur faire croire, à tort, que c’est une loi qui l’empêche des les intégrer au RIPEC (Voir notre article à ce sujet)

- faire reconnaître ce caractère discriminatoire par des juges, et le SAGES s’y est déjà employé par plusieurs recours nationaux (pour les enseignants contractuels en CDD, le droit de l’Union Européenne comporte des dispositions spécifiques les concernant en matière de discrimination dans les conditions de travail, cf. §§ 94 à 101 de la réclamation du SAGES adressée au CEDS13; et pour les PRAG, certains arguments spécifiques du droit national, très techniques au plan juridique, peuvent également être invoqués), et par une réclamation adressée à l’OIT (Organisation Internationale du Travail) pour méconnaissance de sa Convention n°11114 (interdiction de la discrimination en matière d’emploi et de profession)

- s’assurer que les prochains projets de textes qui vont concerner les primes et indemnités des PRAG, des PRCE et des enseignants contractuels, et qui vont être examinés par le Comité Social d’administration Ministériel (CSAM en abrégé) de l’ESR qui va être élu début décembre 2022, soient purgés de tout caractère discriminatoire.

 

A cette fin, un vote massif des PRAG, des PRCE et des enseignants contractuels pour la liste SAGES-SNCL à l'élection au Comité Social d'Administration Ministériel de l'ESR du 1er au 8 décembre 2022 (vote électronique) est indispensable: 

- pour qu'il soit mis fin à la discrimination instituée par le RIPEC avant que les juges aient statué sur nos recours et notre réclamation,

- ou pour qu'après que les juges aient statué afin que la différence de traitement soit aussi faible que possible.


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